Ce dont nous avons vraiment besoin aujourd’hui

Aujourd’hui, je tiens à vous faire partager ce texte débordant de vérité et de bon sens quant à notre mode et nos besoins de consommation. « Ce dont nous avons (vraiment) besoin » : une ode à l’écologie politique ! A lire et à relire, surtout en ces temps de surconsommation frénétique et débridée…

Voici le texte:

Société écologiquement irréaliste
Nous vivons aujourd’hui dans une société capitaliste, basée sur la création perpétuelle de valeur, sur une fuite de l’économie vers l’avant et sur une croissance continue. Seulement, ces conditions ne peuvent être remplies que si un besoin en chasse un autre, et pour cela, nombre de besoins que nous ressentons comme nécessaires ont en fait été créés de toutes pièces.

Nous l’avons tous compris : il est grand temps d’amorcer la transition écologique. Pour ce faire, il va falloir renoncer à certains excès de confort que nous nous sommes octroyés mais qui ne sont pas compatibles avec le développement durable. Razmig Keucheyan cite alors le fameux Manifeste négaWatt rédigé par des spécialistes de l’énergie : le négaWatt est l’unité d’énergie économisée, celle qui nous permettra de penser la consommation de manière différente et plus durable.

Séparer les besoins
Afin de séparer les besoins des envies, pour simplifier l’idée, les auteurs du manifeste distinguent plusieurs besoins : « les besoins humains authentiques, légitimes, qu’il faudra donc continuer à satisfaire, et les besoins artificiels, illégitimes, dont il faudra se défaire. ». Les besoins humains regroupent alors les besoins « vitaux », « essentiels », « indispensables », « utiles » et « convenables » alors que les besoins artificiels sont jugés « accessoires », « futiles », « extravagants », « inacceptables » ou encore « égoïstes ». Commence alors le doux jeu des distinctions entre les besoins : en effet, ils diffèrent selon les personnes, les contextes et les environnements !

Aliénation et dépossession
Le sociologue Razmig Keucheyan nous oriente alors vers deux « penseurs critiques et pionniers de l’écologie politique » : André Gorz et Agnes Heller qui ont développé entre 1960 et 1970 « une théorie des besoins sophistiquée », plus que jamais utile aujourd’hui. Les deux penseurs ont basé leurs recherches notamment sur le concept d’aliénation :

On est aliéné par rapport à un état idéal auquel on cherche à revenir, ou que l’on cherche à atteindre enfin.

C’est lorsque nous sommes à la recherche de cet état idéal que nous nous enfermons dans une insatisfaction chronique et que nous sommes dépossédés de véritables besoins autrefois acquis, tels que la respiration d’un air non pollué, le sommeil dans un environnement calme et obscur…

Mutation des besoins
Au-delà de ces besoins physiologiques, primaires, André Gorz et Agnes Heller parlent des « besoins qualitatifs » et des « besoins radicaux » qui sont ce que l’on pourrait appeler les composantes du bonheur :

Aimer, être aimé, se cultiver, faire preuve d’autonomie et de créativité manuelle et intellectuelle, prendre part à la vie de la cité, contempler la nature…

Razmig Keucheyan explique le paradoxe de ces besoins : en effet, le capitalisme générant un véritable confort, un bien-être matériel, l’Homme n’a plus besoin de fournir des efforts liés à sa survie et peut donc se consacrer plus amplement à ces « besoins qualitatifs » et à s’accomplir d’une manière inédite. D’un autre côté, l’aliénation due au carcan d’insatisfaction peut aussi enrayer ce processus pourtant vertueux :

La division du travail enferme l’individu dans des fonctions et des compétences étroites tout au long de sa vie, lui interdisant de développer librement la gamme des facultés humaines.

La ligne d’équilibre de ce paradoxe est d’une finesse absolue ! De même, ces « besoins qualitatifs » évoluent avec le temps, avec le contexte économique et social. Le sociologue prend pour exemple le voyage. En effet, si le voyage n’était autrefois qu’une affaire réservée aux élites, il est aujourd’hui accessible à toutes les classes sociales et offre une culture et une ouverture d’esprit indispensables au bien-vivre ensemble ! Si le voyage aurait pu paraître extravagant il y a quelques années, il est aujourd’hui vecteur de progrès social.

Typiquement, le voyage est un désastre écologique : il nécessite une importante consommation d’énergie et le tourisme de masse bouleverse les environnements. Une fois de plus, le paradoxe nous tient. Ramzig Keucheyan souligne également l’évolution similaire du smartphone en besoin égoïste vers un besoin qualitatif : si aujourd’hui, il est synonyme de « minerais de sang », de conflits armés et de pollutions catastrophiques, il est également vecteur d’une nouvelle société qui ouvre la voie à « des formes de sociabilité nouvelles, à travers l’accès continu aux réseaux sociaux ou grâce à l’appareil photographique qu’il intègre ».

Concrètement, on fait comment ?
Selon les adeptes du négaWatt ou l’association Les Amis de la Terre, il est possible de vivre durablement et confortablement. Pour cela, nos modes de consommation doivent changer tant du côté des producteurs que du côté des consommateurs : inutile de jeter sans vergogne des objets qui peuvent encore servir, inutile de se jeter sur le nouveau modèle de smartphone ou de voiture alors que celui qu’on a est encore parfaitement utilisable, inutile de racheter des vêtements tous les mois alors que notre armoire est pleine à craquer, inutile de faire des courses monumentales pour en laisser pourrir le quart dans le réfrigérateur, inutile de laisser nos appareils électriques branchés la nuit.

De même côté producteur, l’obsolescence programmée est une des pires aberrations que notre société n’ait jamais connue, les garanties doivent être rallongées, les matériaux utilisés plus durables, les ressources puisées avec parcimonie. Il faut réinventer le cercle de production et de consommation de manière vertueuse : nous avons la chance de vivre dans un environnement qui nous confère un stock immense de ressources, nous avons la capacité de nourrir et d’abreuver chaque humain sur cette planète et pourtant, des millions d’entre nous meurent de faim et la Terre se meurt un peu plus chaque jour.

Nous nous devons, en tant que citoyens du monde, de réinventer notre vie quotidienne, nos modes de consommation et de production. Pour cela, les gouvernements et les entreprises doivent mettre la main à la pâte, sans quoi notre planète s’éteindra en portant notre montagne de déchets sur le dos. Ce n’est pas une fatalité, c’est un nouveau souffle, une nouvelle opportunité à saisir de la part de chacun pour un monde plus juste et plus pertinent.

Source: La relève et la peste

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